1er janvier 2011: Censure de la presse et montée du nationalisme (Hongrie)

Publié le

Alors que la Hongrie prend pour six mois la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne, entre une vigueur une loi, contraire aux principes du droit européen, muselant les médias hongrois. Les publications produisant des contenus qui ne seraient pas "équilibrés politiquement", portant "atteinte à l’intérêt public, l’ordre public et la morale" "entravant la dignité humaine", sont désormais promises à de lourdes amendes: jusqu'à 200 millions de forints (720.000 euros) pour les télévisions et 25 millions (90.000 euros) pour les journaux ou les sites Internet.
Les cinq membres de ce Conseil des médias (NMHH) chargé d'infliger ces amendes sont tous issus du Fidesz, le parti du premier ministre conservateur Viktor Orban.
Cette autorité pourra également inspecter tous les instruments et documents de l'organe de presse incriminé, avant même d'identifier un délit. Et les journalistes pourraient être obligés de divulguer leurs sources sur des questions liées à la sécurité nationale. En signe de protestation, certains journaux ont publié des "unes" vides.
Le climat est particulièrement tendu à la radio publique, où deux journalistes ont été suspendus pour avoir publiquement manifesté leur opposition à la loi en observant une minute de silence à l'antenne.
Le 13 décembre, NMHH a entamé une enquête contre la chaîne privée de radio Tilos, car celle-ci a diffusé le 2 septembre, à 17h53, la chanson Warning, it’s on du rappeur Ice-T. NMHH considère que la chanson  appartient à la catégorie "gangster-rap" et qu’elle "est susceptible d’influencer dans un sens négatif le développement des mineurs". NMHH estime que Tilos aurait dû diffuser la chanson entre 21 heures et 5 heures. (Libération, 1-1-2011)

Par ailleurs (Le Monde, 27-12-2010), la culture est sous la pression du nationalisme. Le concert du 30 novembre  où l'on devait jouer au Théâtre national de Budapest des oeuvres du Roumain George Enesco et du Hongrois Bela Bartok a été annulé. Le lendemain, 1er décembre, jour de la fête nationale en Roumanie, marque un deuil  pour les Hongrois, la perte de la Transylvanie (Erdély, en magyar), rattachée à la Roumanie en 1918. Zsolt Várkonyi, membre du parti d'opposition d'extrême droite Jobbik a déclaré :  "Nous pensons qu'Alföldi (directeur du Théâtre national),  un juif homosexuel, n'est pas apte à diriger une telle institution. Sa place est dans une cave du 7e arrondissement (le quartier juif de Budapest), où il est libre de monter des spectacles d'avant-garde, pas au Théâtre national."
Le théâtre indépendant (140 troupes, qui assurent un tiers du total des représentations en Hongrie) tremble pour sa survie.  Viktor Orban revient sur une loi adoptée en 2008 sous le gouvernement socialiste qui lui garantissait 6% du total des subventions destinées au théâtre, soit 4,4 millions d'euros.  Ce qui est ôté aux troupes "off" en 2011 devrait aller aux associations magyares dans les pays voisins.
Le secrétariat d'État à la culture a été confié à Géza Szöcs, poète et ancien dissident de Transylvanie, qui avait dû fuir la Roumanie de Ceausescu. Dès sa nomination, il a annoncé un programme "Frère Julianus", qui vise à identifier, à l'aide de tests ADN et d'études linguistiques, les origines du peuple magyar...

Comme l'écrit Jacques Quatremer (Coulisses de Bruxelles, 30-12-2010), devant le peu de réactions en Europe, notamment de la France, "La montée du populisme en Europe est une réalité, y compris en France, et, au fond, la plupart des États de l’Union ne rêveraient-ils pas d’une loi sur les médias à la hongroise ? Avec dix-neuf pays sur vingt-sept gouvernés par les conservateurs et les libéraux, parfois en alliance avec la droite extrême, Orban sait qu’il joue sur du velours."

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article