25 novembre 2010: Il y a 100 ans... le syndicaliste Jules Durand était condamné à la guillotine (Le Havre)

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Jules Durand

 

18 août 1910, les charbonniers du port du Havre sont en grève illimitée pour protester contre l’arrivée d’un portique électrique capable de faire le travail de 150 ouvriers; ils protestent aussi contre la vie chère, réclament une hausse des salaires et le paiement des heures supplémentaires.
Pour lutter contre le mouvement, les compagnies portuaires et transatlantiques havraises embauchent des "jaunes", "des renards", qu'elles paient trois fois plus cher. Le 9 septembre 1910, au cours d'une rixe entre ivrognes, un "jaune" est accidentellement tué. Des charbonniers "achetés",  notamment par la Compagnie générale transatlantique, affirment alors que  la mort  de l'homme a été votée par le syndicat des charbonniers à l'initiative de Jules Durand, son secrétaire. Jules Durand est arrêté le 11 septembre 1910, pour incitation et complicité de meurtre; sont également inculpés les frères Boyer, secrétaire adjoint et trésorier du syndicat.
Le 25 novembre, après 15 jours de procès, les deux frères Boyer sont acquittés mais Jules Durand, membre de la Ligue des droits de l'Homme et militant anarchiste, malgré son avocat, René Coty - le futur président de la République - est condamné à mort. À  l'annonce du verdict, Durand perd la raison.
Suite à une grève générale au Havre, qui s'étend aux ports anglais et américains, et à l'appel lancé par Francis de Pressensé, président de la LDH, Jules Durand est libéré, le 15 février 1911. Il est totalement innocenté lors de la révision de son procès, le 15 juin 1918. Il ne le saura pas. Devenu définitiment fou, il est depuis  six ans à l'asile  psychiatrique de Quatre-Mares près de Sotteville-lès-Rouen (là où sera également interné, en 1937,  Antonin Artaud, à son retour d'Irlande). Durand y meurt le 20 février 1926.
Il est enterré au Havre, dans le cimetière Sainte-Marie, là où sera enterré, le 27 novembre 1962, René Coty.
Un boulevard, au Havre, porte son nom - en  sa mémoire, en souvenir de la machination judiciaire, de la criminalisation d'un syndicaliste.

 

Boulevard Durand - L'Affaire Quinot

 

En 1960, Armand Salacrou, dramaturge et académicien Goncourt, publie chez Gallimard "Boulevard Durand, chronique d'un procès oublié".  Enfant, il habitait au Havre avec ses parents en face de la prison où fut enfermé Durand; son père était élu au conseil municipal de la ville. Dans la postface à son livre, Salacrou  écrit: "(...) toute ma vie d'homme fut marquée par cette terrible "erreur" judiciaire ... Cette expérience que je fis, de la méchanceté et de la bonté des hommes, me servit toujours, presque inconsciemment, d'étalon pour mesurer tous les événements dont je devais être le témoin dans la suite de ma vie..."  La pièce de théâtre est créée au Havre le 19 septembre 1961 par le Centre Dramatique du Nord, dans une mise en scène d'André Reybaz. Deux représentations ont lieu dans le cinéma l'A.B.C., le théâtre du Havre ayant été détruit pendant la guerre. Devant le succès, quatre nouvelles représentations, rassemblant chaque fois 1.500 personnes, ont lieu dans la salle des syndicats, salle Franklin, là où cinquante ans auparavant Durand "avait lutté et vécu".
En 2010, pour le centième anniversaire du procès de Durand, les éditions CNT-RP ont annoncé la publication d'un roman noir inédit d’Emile Danoën, L’Affaire Quinot, qui retrace les principales étapes de l'affaire Durand. Emile Danoën (pseudonyme d’Emile Orvoën, 1920-1999) a passé son enfance dans le port du Havre où son père était gardien pour la Compagnie générale transatlantique.    

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