16 décembre 2011: Le maire-sénateur PS d'Audincourt annule un concert antiraciste, sous la pression de l'extrême droite
Suite à la plainte du Collectif antifasciste du Pays de Montbéliard, regroupant une douzaine d'associations, de partis et de syndicats (CGT, FSU, PCF/Front de Gauche, NPA, RESF, MRAP, LDH ...), Gaëtan Perret passait en jugement devant le tribunal de grand instance de Montbéliard, le jeudi 8 décembre 2011. Président du Front Comtois, groupuscule d'extrême droite de type identitaire (trente adhérents), recrutant particulièrement chez les jeunes, Gaëtan Perret était poursuivi pour "incitation à la haine et à la discrimination raciale". Lui étaient reprochés le contenu d'un billet publié sur le site du Front Comtois et l'édition de deux d'affiches ("Ici c'est la Comté... pas Alger", "Islam hors d'Europe").
En vue de ce rendez-vous judiciaire, le Collectif antifasciste du Pays de Montbéliard avait décidé, un mois en amont, d'organiser un concert antiraciste et s'était mis en quête d'une salle. Soutenant cette initiative, Martial Bourquin, maire-sénateur (PS) d'Audincourt, avait réservé pour le 7 décembre, une salle municipale, le Studio des 3 Oranges (250 places), gérée par le Théâtre de l'Unité. Au programme de la soirée, deux groupes: en première partie 65 Mines Street (groupe de punky reggae et de ska, originaire de la région, dont l'un des membres est le fils du maire), puis ZEP (Zone d'Expression Populaire, un groupe de rap musette lillois).
Informé de la participation de ZEP à ce concert, Gaëtan Perret demandait sa déprogrammation, dans un communiqué (20-11-2012): "Le Front Comtois défend la liberté d’expression et, à l’inverse de ceux qui nous attaquent en justice, nous désirons que le groupe Z.E.P. ne soit non pas interdit ni poursuivi mais, comme à Bailleul en juin 2011, simplement déprogrammé. Nous ne pouvons accepter que les propos fielleux et puants de ce groupe soient proférés la veille d’un procès portant sur la liberté d’expression et, qui plus est, dans un lieu public et communal à vocation culturelle et pédagogique. Nous appelons toutes les personnes sensibles à cette formidable provocation d’interpeller par tous les moyens les différents acteurs soutenant ce concert afin de le faire déprogrammer."
De son côté, Christophe Devillers du Parti de la France (Carl Lang) demandait au préfet et à Martial Bourquin l'interdiction de ZEP, jugeant "intolérable qu’il soit d’un côté désormais possible de cracher librement sa haine de nos Institutions au nom de la liberté d’expression artistique et de bafouer d’un autre côté la liberté d’expression politique de certains jeunes militants qui expriment à leur façon le ras-le-bol et le malaise grandissant ressenti objectivement par les résidants de l’Aire Urbaine de plus en plus nombreux."
Une chanson de ZEP était particulièrement visée, celle commençant ainsi: "Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents, et ses réflexes paternalistes. Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts, et ses délires capitalistes .Ça y est c'est réglé, c'est formel, c'est confirmé par voie ministérielle, les nazillons sont lachés, les bidochons décomplexés, carte blanche pour les gros beaufs qui ont la haine de l'étranger ... etc."
Martial Bourquin maintenait tout d'abord sa position: "Non seulement je n'interdirai pas le concert mais je le soutiens et y serai (...). Les chansons de ZEP ressemblent à celle de Renaud quand il chante Hexagone (...). L'antifascisme sera toujours accueilli à Montbéliard".
Mais le 2 décembre 2011 (Le Pays.fr), Martial Bourquin changeait d'avis et annulait le concert. «Je n’avais pas écouté les paroles de la chanson Nique la France mais depuis je l’ai fait et cela me choque. On ne répond pas à la provocation par une autre provocation. Ces valeurs ne sont pas les miennes. Je suis solidaire du comité de vigilance antifasciste mais pas du groupe Z.E.P. La cause antifasciste est juste mais s’il y a un affrontement entre les antifascistes et les militants d’extrême droite, cela ne servira qu’à faire monter le Front national et à offusquer les citoyens». De plus, le maire se disait interpellé par les «menaces» reçues par le Théâtre de l’Unité qui gère le Studio des 3 Oranges où était prévu le concert. «Mes craintes d’un dérapage sont justifiées». En 2002, le local où étaient conservées archives et documents administratifs du Théâtre de L'Unité avait été détruit lors d'un incendie criminel. Dix jours avant la date du concert, durant la nuit, une porte du Studio des 3 Oranges avait été brisée.
L'un des porte-parole du collectif antifasciste a regretté "vivement que le Groupe ZEP (...) soit réduit à deux phrases, sorties de leur contexte, et instrumentalisées par des racistes, et des groupes de pression". Quant au risque allégué de violences physiques entre militants antifascistes et d'extrême droite, il a jugé que "la bonne réponse du maire aurait été de solliciter des renforts policiers, plutôt que de censurer le concert" (AFP, 3-12-2011).
En février 2011, le responsable local de l'UMP avait demandé à Jean Rouger, maire PS de Saintes (Charente Maritime, 17) d'interdire ZEP qui devait se produire dans le cadre du festival Dire le monde. Le maire avait refusé d'user de son pouvoir de police visant à prévenir les troubles à l'ordre public et le concert avait eu lieu (France 3 Poitou-Charentes, 21-02-2011). Récemment, à Paris, Rennes, Villeneuve d'Ascq, Toulouse, la police s'est interposée face aux manifestants catholiques qui voulaient interdire les représentations des pièces de Romeo Castellucci et de Rodrigo Garcia.
Jeudi 15 décembre 2011, Gaëtan Perret, président du Front Comtois a été condamné à une amende pour "incitation à la haine et à la discrimination raciale". Il devra verser 3.000 euros au ministère public et 3.400 euros aux parties civiles. Dans le détail, cela représente 150 euros à chacune des 13 associations du collectif antifasciste, ainsi que 150 euros à la mairie d’Hérimoncourt. À cela s’ajoutent aussi 100 euros de dédommagement de frais d’avocats à toutes les parties civiles (France 3, 15-12-2011). Lors de l'audience du 8 décembre, l'avocat de Gaëtan Perret avait présenté son client comme "un guignol". Il avait tenté de mettre le comportement du prévenu, âgé de 23 ans, au crédit de l'ignorance et d'une erreur de jeunesse. "Il va quitter ce milieu et ce mouvement, et il présente ses excuses" avait-il annoncé. La procureure de la République, Thérèse Brunisso, avait rappelé ce que "l'économie du pays de Montbéliard doit à la force de travail des immigrés" (L'Est républicain, 8-12-2011).