17 novembre 2011: Prohibition du cannabis et censures de presse
Selon les chiffres de l'OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), près de 3,9 millions de Français entre 15 et 75 ans consomment régulièrement du cannabis, soit 8,5 % de la population. Lors du débat entre candidats à la primaire socialiste, diffusé jeudi 15 septembre sur la chaîne publique de télévision France 2, Jean-Michel Baylet, président du Parti Radical de Gauche, se déclarait favorable à "la légalisation du cannabis pour assécher les sources de financement des trafics de drogues, ainsi que le renforcement des moyens des brigades de lutte contre les trafics de stupéfiants, qui sont à l'origine de nouvelles formes de criminalité organisée toujours plus violentes". Il proposait qu'il soit vendu en pharmacie, ce qui permettrait de contrôler la distribution et la qualité du produit. Lors du même débat télévisé, la maire de Lille, Martine Aubry, était favorable à une "dépénalisation de l'usage pour ceux qui ont moins de 5 grammes dans la poche", et à une plus forte pénalisation des trafiquants. François Hollande a assuré vouloir maintenir l'interdit; il se retrouve sur la même ligne que l'UMP, pour lequel il n'est pas question de revenir sur la législation autour du cannabis (Le Monde, 19-11-2011).
Pour rappel, le Code pénal prévoit notamment que "la production ou la fabrication illicites de stupéfiants sont punies de vingt ans de réclusion criminelle et de 7.500.000 euros d'amende" (article 222-35); "l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende" (article L3421-1); "le fait de présenter ces infractions sous un jour favorable (notamment" par voie de la presse écrite ou audiovisuelle ") est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende" (article L3421-4).
Dans son numéro 3, "légal et gratuit", d'octobre-novembre 2011, [RBH]23 La Gazette du Chanvre, qui lutte pour la légalisation du cannabis, dénonce "une hypocrisie, une politique basée sur des mensonges, créant une forme de censure avec l‘article L3421-4 (ex L630)." Bernard Joubert, auteur du Dictionnaire des livres et journaux interdits, en fait la démonstration, en y présentant un florilège de journaux réprimés. Le 13 janvier 1984, Gérard Santi, qui publiait et dirigeait Viper, magazine de bande dessinée, était condamné à un an de prison avec sursis et 5.000 Francs d’amende pour présentation de stupéfiants sous un jour favorable. Lancé en octobre 1981, Viper qui prônait "la défonce sous toutes ses formes", s'arrêtait après 11 numéros. Le 16 mai 1993, Charles Pasqua interdisait aux mineurs le fanzine satirique Canicule arguant qu‘il faisait une «présentation de la toxicomanie sous un jour favorable». Dans son numéro 8, Canicule donnait à lire un dossier sur les drogues, "monté intelligemment et très bien documenté, mais qui indique notamment la façon de se «shooter propre»" avait écrit la commission de surveillance chargée de signaler au ministre de l‘Intérieur les publications dangereuses pour la jeunesse (loi du 16 juillet 1949). Canicule sortira encore deux numéros puis disparaîtra. Le 28 novembre 1994, 4.900 exemplaires du n°4 de Double zéro, le journal du Collectif d’information et de recherche cannabique (CIRC) de Jean-Pierre Galland étaient saisis dans les locaux parisiens de l’association et ne seront jamais rendus. Le 3 mars 1997, Gérard Jubert, directeur du magazine L'Éléphant rose était, en raison de sa ligne éditoriale, condamné à dix mois de prison avec sursis et 300.000 Francs d’amende. L‘Éléphant rose disparaissait...
Dans le même numéro de RBH]23 La Gazette du Chanvre, on notera un entretien avec Michel Sitbon, premier éditeur français à avoir lancé en 1990 une collection de livres sur les drogues. Le fondateur des éditions du Lézard, puis de la collection de poche L'Esprit frappeur évoque la législation américaine, "à l'opposé du droit français", le premier amendement de la constitution qui garantit la liberté d'expression: "rien ne peut interdire de publier librement sur les drogues comme sur tout autre sujet". L'éditeur rappelle qu'aucun de ses livres n'a été interdit en France. Une seule fois, pour le livre Culture en placard d'Ed Rosenthal, il a été condamné, en 2005, à une amende, qu'il juge minime, de 3.000 euros. Il parle de ses livres subitement devenus "invisibles" chez les libraires, et d'une "campagne d'intimidation policière" qui aurait fait chûter les ventes. Pour preuve, il cite le cas des Fnac où, suite à une visite de la brigade des stupéfiants, les chefs de rayon recevront une circulaire listant ses livres à retirer. link