1er février 2012 : Qu'est-ce qu'une poursuite-bâillon ?
Apparu au Québec en 2007, le terme de "poursuite-bâillon" a tendance à être préféré à l'acronyme BIPP («bâillon imposé à la parole publique») calqué sur l'acronyme anglo-saxon SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation, poursuite stratégique contre une mobilisation publique).
L'expression désigne la manoeuvre menée par un groupe économique puissant, une multinationale, visant à faire taire des individus isolés ou de petites structures ayant mis sur la place publique une question d'intérêt général, qu'elle considère comme susceptible de porter atteinte à ses intérêts et à sa réputation.
Si, après une phase de menaces marquée par la demande de dommages-intérêts démesurés, le défenseur intimidé n'est pas contraint au silence, la multinationale se lance dans une procédure judiciaire interminable, visant à le paralyser, en l'épuisant financièrement et psychologiquement.
Un exemple de poursuite-bâillon vient d'être donné récemment avec l'affaire opposant la compagnie minière Barrick Gold à trois chercheurs en sciences sociales, auteurs du livre "Noir Canada: pillage, corruption et criminalité en Afrique", et à Écosociété, éditeur du livre. Après trois années de procédures, où la multinationale se considérant diffamée demandait 6 millions de dollars, un accord "hors cour" a été trouvé par les deux parties : Barrick Gold arrête sa poursuite lancée en avril 2008, l'éditeur s'engage à ne plus diffuser le livre. (Le Devoir,19-10-2011)
Écrit par Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher, "Noir Canada" se base sur des sources déjà publiées. À partir d'une abondante documentation internationale, le livre démontre la nécessité d'une commission d'enquête indépendante pour faire la lumière sur les nombreux cas d'abus qui auraient été commis en Afrique par des compagnies minières canadiennes.
Les auteurs et leur éditeur ont reçu le soutien de milliers de citoyens, de 60 éditeurs, de journaux nationaux et internationaux. Le livre a été à l'origine, au Québec, d'une législation contre les "poursuites-bâillon", pas suffisante encore semble-t-il, les armes restant toujours trop inégales entre ceux qui défendent leur droit à la réputation et ceux qui demandent la primauté des droits à l'information et à la liberté d''expression.
Les ennuis ne sont pas terminés pour les éditions Écosociété et les trois auteurs: Noir Canada est poursuivi pour diffamation, dans l'Ontario, par la multinationale minière Banro qui demande la bagatelle de 5 millions de dollars de dommages et intérêts.
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