22 avril 2010 : "Il n'y a pas d'outrage au drapeau national dans le cas d'une oeuvre de l'esprit "

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F. Laurent drapeau-francais

 

On a appris hier (AFP) que la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie avait demandé  qu'une enquête pénale soit menée dans une affaire d'outrage au drapeau présumé, commis dans le cadre d'un concours de photographie à Nice, qu'elle qualifie d'acte "inadmissible" et "intolérable".
La FNAC de Nice avait organisé le 6 mars dernier un "marathon photo", a expliqué le service de presse de l'enseigne. Durant toute cette journée, des amateurs étaient invités à prendre des clichés autour de trois thèmes: "le reflet dans tous ses états", "de haut en bas, de bas en haut" et "politiquement incorrect". Le soir, un jury composé de cinq professionnels désignait trois lauréats, un dans chaque catégorie, ainsi que deux "coups de coeur". C'est sur l'une de ces deux photos, signée Frédéric Laurent (selon Le Figaro.fr, 21 avril, 15h34) que le drapeau national semble servir de papier toilette à un homme photographié de dos. Le quotidien gratuit "Metro", édition de Nice, avait publié les cinq clichés. "Quand on a reçu quelques réactions, de lecteurs de Metro et de clients FNAC, nous avons aussitôt pris les mesures nécessaires", assurait-on  au service de communication de la FNAC. Le cliché controversé a été retiré de la liste des lauréats et, "en accord avec le photographe (...), nous avons choisi de ne pas l'exposer". Les autres photographies ont, elles, été présentées fin mars au Musée d'art naïf de Nice.
Éric de Montgolfier, le procureur de la République de Nice chargé d'engager les poursuites, avait déjà été saisi en mars par le préfet des Alpes-Maritimes et avait estimé que le délit n'était pas constitué. "Il y a un mois le préfet m'avait saisi. Je lui ai notifié ma décision de classement le 30 mars. Le Conseil constitutionnel a rendu le 13 mars 2003 une décision affirmant que sont exclues du champ d'application de la loi les œuvres de l'esprit", a expliqué à l'AFP Éric de Montgolfier, mercredi 21 avril. Par ailleurs, "l'outrage doit être commis lors d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, ce qui n'est pas le cas", a-t-il estimé. "J'ai informé la garde des sceaux de la décision que j'avais prise." Dans Nice-Matin de ce jour, le procureur maintient sa position: "Je comprends que cette photo puisse susciter de l'émotion et de l'indignation mais pour moi, il n'y a pas d'infraction au regard de la loi. La justice s'occupe de droit, pas de morale."

En décembre 2008, dans une affaire similaire, le procureur de la République de Toulon avait également classé sans suite la plainte du maire de Cuers (Var) qui poursuivait pour outrage au drapeau national une artiste  de la compagnie Princesses Peluches : habillée en majorette, elle avait dansé le 29 mars 2008 sur le drapeau français dans le cadre de son spectacle Kristin.

En décembre 2006,  la mise en scène de Robert Carsen du Candide de Voltaire, coproduite par le théâtre du Châtelet et la Scala de Milan, où l'on peut voir notamment un acteur portant le masque de Chirac danser ivre, en maillon de bain tricolore sur un matelas pneumatique bleu-blanc-rouge, n'avait déclenché aucune plainte.
On peut s'interroger alors sur l'importance donnée aujourd'hui à cette affaire, circonscrite localement, classée par la justice depuis vingt jours, et relancée  maintenant suite à une demande du député UMP des Alpes-Maritimes Éric Ciotti. Faut-il mettre cet élargissement national en liaison avec la  relance médiatisée depuis deux jours par le président de sa politique en matière de sécurité ?

Extrait du  "Candide" de Voltaire/Bernstein :  link
Extrait de "Kristin"  de Princesses Peluches: link

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