8 juillet 2010: Du droit d'auteur utilisé à des fins de censure (Putte)
"Après les deux Nicolas (Anelka et Sarkozy), c'est au tour d'un Gérard de faire étalage de tout le savoir-faire français en matière d'expression orale et de vocabulaire littéraire" note la RTBF. "Je n'ai jamais vu autant de fils de Putte sur le bord de la route" a en effet déclaré, dimanche 4 juillet 2010, Gérard Holtz, journaliste sportif de France Télévisions, alors qu'il commentait en direct l'étape du Tour de France Rotterdam-Bruxelles et que le peloton s'apprêtait à traverser Putte, commune belge flamingante, située près de la frontière des Pays-Bas. Cette élégante remarque d'un membre du service public français n'est pas passée inaperçue (La Tribune de Genève, Le Soir...), elle est aussitôt entrée dans différents "bêtisiers".
Mais tout aussi vite, les images et le son qui circulaient sur internet, traces de cette "sortie de route", ont été supprimées, notamment sur Dailymotion. "Cette vidéo n'est plus disponible suite à une réclamation pour atteinte aux droits d'auteur soumise par A.S.O. (Amaury Sport Organisation)", peut-on lire en lieu et place de la vidéo. Amaury Sport Organisation resterait donc propriétaire des images du Tour même lorsqu'il s'agit du commentaire réalisé par les journalistes de France Télévisions? Comme le fait remarquer le site Numerama: "Encore une fois, le droit d'auteur est utilisé non pas pour empêcher une exploitation concurrente de celle du producteur ou de ses partenaires, mais à des fins de censure." link
Jiho pour Siné Hebdo
À propos du Tour de France et du groupe Amaury Sport Organisation, nous reproduisons ci-dessous l'intégralité de l'article paru dans l'Observatoire de la censure le 28 juin 2009 et intitulé
Les dessous de la disparition annoncée d’un journal.
La concurrence est rude dans le domaine de la presse. Si une apparente diversité de l’offre dans la presse quotidienne nationale généraliste se maintient encore avec Le Monde, le Figaro, Libération, L’Humanité, il n’en va pas de même dans le secteur spécialisé de la presse sportive écrite où le quotidien L’Équipe est en situation de monopole.
Le 3 novembre 2008, avec l’appui du groupe d'Alain Weill (RMC Info, BFM ou La Tribune) paraissait 10 Sport, un quotidien sportif à bas prix (0,50€ contre 0,95€ pour L’Équipe). Marie-Odile Amaury, la PDG du groupe Amaury, propriétaire de L’Équipe, ripostait en sortant le même jour dans les kiosques Aujourd’hui Sport. Elle déclarait qu’elle «arrêterait sans doute» si 10 Sport jetait l’éponge.
Faute d’atteindre les ventes espérées, fin mars 2009, 10 Sport devenait hebdomadaire. Le 26 juin 2009, M-O Amaury annonçait lors d'un comité d'entreprise extraordinaire qu’Aujourd'hui Sport s’arrêtait et ne couvrirait pas la reprise du championnat de football de Ligue 1.
En mai dernier, 10 Sport a porté plainte contre le groupe Amaury pour «entrave à la libre concurrence». Une démarche qui a entraîné une perquisition de la police dans les locaux d'Amaury à Saint-Ouen et Issy-les-Moulineaux. L'autorité de la concurrence ne s'est pas encore prononcée sur les suites à donner à l'enquête. Par ailleurs, le lancement de Le Foot (0,75 euros), nouveau quotidien tabloïd édité par le groupe Lafont Presse, est différé en raison notamment de «difficultés d'impression».
Véritable institution au pouvoir redoutable, L’Équipe a une longue histoire, ponctuée par l’élimination sans pitié de ses rivaux, réels ou potentiels.
À la fin du XIXème siècle, en France, la presse sportive (alors consacrée en grande partie au cyclisme) est dominée par un titre : Le Vélo, fondé en 1892. La prise de position de Pierre Giffard, son patron, dans l'affaire Dreyfus fait des vagues. Les fabricants de cycles (pour la plupart antidreyfusards) qui financent son journal par la publicité n'apprécient pas. En 1900, ils choisissent de financer Henri Desgrange qui crée un journal concurrent, imprimé sur papier jaune, L'Auto-Vélo.
Le 16 janvier 1903, Desgrange perd le procès qui l'oppose au Vélo, et se trouve contraint de renommer L'Auto-Vélo qui devient L'Auto. Pour contrer son principal concurrent, il décide d’organiser une course cycliste. Le 19 janvier 1903, L’Auto annonce la création de "la plus grande épreuve cycliste jamais organisée" : ce sera le premier Tour de France. Les ventes du journal s'envolent. Privé de lecteurs, Le Vélo cesse sa publication l'année suivante.
Après avoir paru sous l’Occupation jusqu’au 17 août 1944, L’Auto est interdit puis réapparait le 28 février 1946 sous un autre titre: L’Équipe. En juin 1946, L'Équipe achète le journal officiel de la Fédération française de Football (F.F.F.) France football, et le transforme en un hebdomadaire populaire. En 1948, L'Équipe devient quotidien. En 1956, L'Équipe et Le Parisien libéré, publié par éditions Émilien Amaury, se rapprochent pour gérer ensemble le Tour de France puis fusionnent en 1964.
Actuellement Amaury Sport Organisation (A.S.O.) est un des principaux organisateurs d'événements sportifs en France : le Tour de France mais aussi le Paris-Roubaix, le Paris-Nice, le Tour de l'Avenir, Paris-Tours, le Paris-Dakar, le Marathon de Paris, l'Open de France de golf...
Prônant des valeurs de partage humaniste, chantre du beau jeu, de la gratuité du sport, L’Équipe est mal placé pour voir la face noire du sport moderne dont il vit et pour dénoncer l’idéologie dont il est le vecteur.
Progressivement au cours du XXème siècle, le sport est devenu un outil de décervelage et de contrôle de masse au service du nationalisme et de l’argent. Diffusé par la télévision, il est devenu “le” divertissement mondial, planétaire. Tandis que les spectateurs-consommateurs, plongés dans un hors-temps oublient leur solitude et leur misère en goûtant à l’illusion d’ un être-ensemble ou de vivre un moment exceptionnel, les compteurs tournent. Reflet d’une société de la performance, le sport rejoue toujours la même scénario: celui d’une course absurde au record, au rendement, au gain, au profit; celui d’une lutte pour la victoire, pour atteindre le sommet et s'y maintenir. Contraints souvent à se doper pour se dépasser, les corps-machines des athlètes sont rapidement et régulièrement remplacés, sitôt épuisés. Vae victis. (Libération/Wikipédia)