9 avril 2010: Quand les téléjournalistes deviennent auxiliaires de police

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Vendredi 19 mars 2010, les chaînes nationales de télévision publiques et privées ont montré, dans leur journal du soir, une vidéo enregistrée par une caméra de surveillance, relayant sans vérification des informations et un appel à témoins communiqués par la police. Filmés dans  le  supermarché de Dammarie-les-Lys, commune de la région parisienne où avait été tué le mardi soir un brigadier-chef de la police française, cinq consommateurs faisant leurs courses avec leur chariot dans la grande surface ont été présentés longuement et en détail comme des membres de l’organisation basque ETA. L'information était reprise dans la presse écrite le samedi matin. Le samedi après-midi,  la police française reconnaissait sa méprise: les présumés terroristes étaient de paisibles pompiers catalans. (AFP)
Lundi 29 mars 2010, sur TF1, le journaliste Emmanuel Chain proposait dans le magazine d’information Haute Définition, une enquête intitulée  "Mes voisins sont des dealers". Douze heures avant la diffusion de l’émission, la police judiciaire de Seine-Saint-Denis faisait une descente sur les lieux du reportage (le quartier du Grand-Ensemble à Tremblay-en-France), arrêtait  quatre personnes, saisissait un million d’euros, de la drogue (héroïne, cocaïne et cannabis) et un pistolet. Coïncidence? Accusé d’être “un indic”, “une balance”, “un pyromane”  (un bus sera incendié suite à l’émission), Emmanuel Chain s’est défendu d’une “co-production”. Il a déclaré n’avoir «renseigné personne»... sauf  Jean-Jacques Herlem, directeur adjoint de la police judiciaire de Paris, invité à réagir au reportage dans une interview enregistrée cinq jours avant la diffusion de l’émission. De source policière, on reconnaît simplement avoir «précipité» le coup de filet conclusif d’une «enquête de plusieurs mois» qui aurait pu «tourner court à cause de ce reportage». (Le Monde, Libération, Europe 1)
Mardi 6 avril 2010, sur France 2, l'émission Les Infiltrés, animée par David Pujadas, s'intéressait à la pédophilie sur Internet. Pour les besoins de son enquête, Laurent Richard, auteur du reportage "Pédophilie : les prédateurs", s’était d’abord fait passer sur Internet pour une adolescente de douze ans. Caméra cachée,  il avait ensuite filmé plusieurs hommes qui lui avaient expliqué leurs pratiques et avoué chercher de jeunes enfants ou adolescents sur le Net. Son documentaire fini, le journaliste a dénoncé ces hommes à la police: vingt-trois personnes ont été arrêtées.
Pour mémoire, la charte des devoirs des journalistes (n'ayant qu'une valeur déclarative) stipule qu'«un journaliste digne de ce nom ne confond pas son rôle avec celui du policier». Par ailleurs, l'article 109 du code de procédure pénale affirme que "tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l'origine". (Arrêt sur images)

 

La Police vous parle, affiche Atelier populaire 1968

  Affiche de L'Atelier Populaire des Beaux-Arts, Paris 1968

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