17 novembre 2010: Vigilance maximum pour la protection de l'enfance

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Suite au refus de la préfecture de l'Isère d'autoriser la compagnie de théâtre Les voisins du dessous d'engager une enfant pour jouer dans la pièce Far away de Caryl Churchill, (Voir Observatoire la censure, 9-11-2010),  il nous a semblé opportun de revenir sur trois cas récents, très différents: dans trois domaines distincts - exposition de bandes dessinées, spot publicitaire à la télévision, livre électronique - au nom de la protection de l'enfance,  trois interdictions de divers degrés (restriction d'âge, autodéprogrammation, censure) peuvent être observées.
 
Lors du festival de BD, organisé à Saint-Malo, les 8-9-10 octobre, par Quai des bulles, l'exposition consacrée à Reiser a été  « interdite aux mineurs non accompagnés de leurs parents. En effet - pouvait-on lire à l'entrée - certaines oeuvres présentées dans cette exposition abordent le thème de la sexualité et sont susceptibles de choquer les plus jeunes » (Le Monde, puis Actualitté,13-10-2010).
Fred Lecaux, concepteur des expositions à Quai des bulles, a confirmé que cette  interdiction était antérieure à celle de l'exposition Larry Clark, à Paris. « Le public de Saint-Malo est familial, j'ai voulu que chacun puisse réagir selon sa sensibilité. L'affiche du festival est connotée enfant, la programmation ne l'est pas. C'est vrai qu'il y a peu de sexe, et qu'interdire est plus fort qu'avertir, mais cela a été décidé dans l'urgence. Je prends mes responsabilités. Ce n'est pas à moi de montrer à un gamin un gars en train de se masturber. Reiser est accessible en librairie et en bibliothèque, mais montrer une planche au grand public, ce n'est pas pareil. La décision a été prise collégialement par l'association Quai des bulles. » De son côté, le fils du dessinateur, Franz Reiser, a déclaré . « Ils ont dû vouloir éviter un problème, ne pas être embêtés par un intégriste catho. Mais un avertissement, comme à la récente exposition de Reiser à Beaubourg, aurait suffi. »

 

 

Dessin Reiser

 

Alors que la campagne intensive appelant à consommer pour Noël, et notamment des jouets, commence de plus en plus tôt, il est interdit de vendre la mèche aux enfants et de leur révéler que le Père Noël n'existe pas. C'est pourtant ce qui s'est passé  "involontairement", "accidentellement", le dimanche 31 octobre en fin d'après-midi, sur l'une des principales chaînes privées de la télévision française. Au cours de la coupure publicitaire diffusée juste avant un dessin animé,  des milliers d'enfants abasourdis ont appris que le Père Noël n'existait pas. En cause : une publicité de 20 secondes pour une banque dans laquelle un père arrive en lançant à son fils : «J'ai une mauvaise nouvelle». « Ah bon », répond le fils, âgé d'une trentaine d'années.  « Figure-toi que le Père Noël n'existe pas ». Il s'agissait pour la banque de dénoncer les chargés de clientèle des banques concurrentes qui touchent des commissions sur les produits qu'ils proposent à leurs clients.
 "Mais le mal est fait pour les jeunes téléspectateurs sagement assis dans leur canapé", commente Le Parisien. Les parents crient au scandale. Il existerait même un groupe Facebook pour s'opposer à la diffusion du spot. Le 2 novembre, un groupe de téléspectateurs décidait de saisir le jury de déontologie publicitaire. Celui-ci peut décider, après diffusion, d'interdire une publicité. Composé, entre autres, d'un conseiller d'état, d'un conseiller à la Cour de cassation et d'un pédopsychiatre, ce jury devra donc se pencher sur ce dossier « pédo-sensible » (Rue89, 3-11-2010). La banque s'est défendue en expliquant qu'elle choisit une tranche horaire de diffusion de ses publicités mais pas le programme. Elle  a promis que "l'annonce" - qui avait reçu un avis favorable de l'autorité de régulation professionnelle de la publicité -  serait désormais diffusée après 20h30.

 

Philip R. Greaves

 

 

Le 28 octobre, le site de vente en ligne Amazon.com mettait en vente un livre électronique de Phillip R. Greaves, intitulé  "The Pedophile’s Guide to Love and Pleasure". Ce "Guide du pédophile vers l’amour &  le plaisir", sous- titré  "Code de conduite pour qui aime les enfants", était téléchargeable  sur Kindle pour 4,79 dollars.
Dénoncé immédiatement comme un ouvrage pédophile par le site TechCrunch, il faisait très rapidement l'objet sur Twitter et Facebook  d'une intense campagne demandant son retrait.
Dans un communiqué, Amazon, basé à Seattle, déclarait:  « Nous pensons que de ne pas vendre un livre simplement parce que nous croyons, nous ou d'autres, que leur message est discutable revient à de la censure. (...) Amazon ne soutient ni ne fait la promotion d'actes criminels ou d'actes de haine, mais nous soutenons le droit de tout individu à décider lui-même ce qu'il achète». De son côté l'auteur, Philip R. Greaves, interrogé par CNN  affirmait que ce livre cherchait à corriger l'image des pédophiles, injustement présentés par les médias. «Les vrais pédophiles aiment les enfants et ne leur feraient jamais de mal », a-t-il déclaré. (Le Figaro, 11-11).
Menacé de boycott, Amazon enlevait, le 11 novembre, le livre de son catalogue, et ce sans aucune explication. Auparavant, le livre était entré dans sa liste des 100 meilleures ventes. Avant que la polémique n’éclate, l’auteur n’en avait vendu qu’un seul exemplaire.
La Tribune de Genève rappelle qu'en 2002 déjà, Amazon avait défendu, au nom de la liberté d'expression, la vente d'un autre livre faisant l'apologie des relations sexuelles entre adultes et enfants: « Understanding Loved Boys and Boylovers ». Il est toujours en vente  pour 14 dollars.
Rue89 considère que  "les arguments d'Amazon sont fragilisés par une politique éditoriale incohérente : on trouve sur Amazon des guides pédophiles ou des livres niant l'existence des chambres à gaz, mais les publications pornographiques y sont proscrites…" (11-11-2010)

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