21 novembre 2010: Mediator 150 mg! 500 morts ...ou plus?

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I. Frachon - Mediator

 

Le 30 novembre 2009, suite à une décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), trois médicaments contenant du benfluorex, dont le Mediator 150 mg, étaient retirés des pharmacies, en raison de leur "efficacité modeste" sur le diabète de type 2, et de "risques avérés d'atteintes des valves cardiaques". Si deux des médicaments étaient des génériques mis récemment sur le marché (début octobre 2009) par les laboratoires Mylan et Qualimed, il en allait autrement pour le Mediator 150 mg, commercialisé par les laboratoires Servier depuis 1976. 200 à 300.000 personnes en consommaient chaque jour. Majoritairement il s'agissait  de femmes, l'utilisant comme coupe-faim, pour perdre du poids. 2 millions de personnes en auraient consommé depuis sa mise sur le marché. Le chiffre d’affaires du Mediator 150 mg pour Servier était de l’ordre de 3,6 millions d’euros par an.
Le 2 juin 2010, l'éditeur brestois Charles Kermarec, directeur également de la Librairie Dialogues, publiait Médiator 150 mg, combien de morts?. Dans ce livre,  le docteur Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, spécialiste de l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) revient  sous la forme d'un journal, sur toutes les étapes d'une enquête de trois ans qui l'a conduite à devenir l'une des protagonistes à l'origine du retrait du Mediator.
Aussitôt, le groupe pharmaceutique Servier répliquait en attaquant le livre en justice. Le 7 juin, le juge des référés de Brest estimait que la mention "Combien de morts ?"  jetait le"discrédit" sur l’image du laboratoire Servier, "entravant son activité", portait atteinte à ses droits et devait être enlevée de la première page de couverture sous astreinte de 50 euros par exemplaire distribué. Pour le juge, "un retour sur le marché du Mediator est toujours envisageable". Dans ce cas, «le dénigrement provoqué par la mention litigieuse se révélerait grandement source de discrédit».
Pour l'éditeur qui avait tiré le livre à 5.500 exemplaires, c'était une "interdiction de fait". Il  faisait appel et, dans l'attente du jugement,  faisait fabriquer des étiquettes autocollantes à placer sur chaque exemplaire, sur la mention censurée. De plus, il  décidait de  réimprimer le livre avec une couverture modifiée indiquant: Mediator 150mg, Sous-titre censuré.(voir Observatoire de la censure, 16 juin 2010)

Cinq mois plus tard, (AFP, 16-11), l'Afssaps révèle que le Mediator 150 mg aurait fait, en 33 ans, 500 morts. Elle demande aux patients ayant pris du Mediator (ou son équivalent générique) pendant au moins trois mois au cours des quatre dernières années de commercialisation du produit (2006-2009) de consulter leur médecin traitant, une recommandation déjà faite en 2009. Trois mois est la durée à partir de laquelle s’accroît le risque de valvulopathie, une atteinte des valves du coeur qui peut être mortelle.
La reconnaissance publique par les autorités de ce "désastre sanitaire" - la CNAM envisageant jusqu'à 1000 morts -  aura-t-elle une influence  sur le procès en appel fait par l'éditeur Kermarec au laboratoire Servier, qui aura lieu le 30 novembre : "Combien de morts? " questionnait le docteur Irène Frachon.
De son côté, dans un communiqué, le groupe Servier déclare que les chiffres avancés sont "une extrapolation, donc scientifiquement contestables". Dans un entretien accordé au Monde (20-11), Jacques Servier, 88 ans, se demande "si cette affaire est une fabrication" avançant même une volonté "d'embêter le gouvernement".
Pour rappel, les laboratoires Servier, (source Cylex, annuaire des entreprises) sont basés 22, rue Garnier, à  Neuilly-sur-Seine (Hauts-de Seine). Le groupe Servier est le deuxième laboratoire pharmaceutique français, derrière Sanofi, avec 3,40 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 20 000 salariés en France et dans le monde. Son  fondateur, Jacques Servier, a reçu à l'Élysée, des mains du président de la République, le 7 juillet 2009, la Grand-Croix de la Légion d'honneur, la plus haute distinction de cet ordre.
Selon Aujourd'hui  (17-11), le groupe a été éclaboussé précédemment par deux affaires. Celle de l'Isoméride, "un médicament coupe-faim interdit de vente en 1997 et qui aurait fait  une quarantaine de morts." Une plaignante a été indemnisée à hauteur de 210.000 euros l'année dernière. Et celle, dans les années 80 des "consultants-barbouzes" spécialistes du fichage : une trentaine de retraités de la DST ou du renseignement militaire avaient été engagés "pour empêcher l'embauche de candidats aux opinions politiques  contraires à celles du fondateur, de droite (maurassienne dans sa jeunesse) et nostalgique de l'Algérie française"  et pour enquêter sur la vie privée "des ennemis du laboratoire."

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