25 février 2010: Bernard Joubert à “Mauvais Genres”, historien d' "Elvifrance"

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Sam Bot-Prolo
L’émission de François Angelier, Mauvais genres, diffusée sur France Culture dimanche 21 février, était en visite chez Bernard Joubert. Pendant 60 minutes, l’écrivain, journaliste, prix Tartuffe 2008, a fait découvrir un fonds éditorial particulier dont il est dépositaire: l’intégralité des archives de l’éditeur de bande dessinée Georges Bielec, fondateur des éditions Elvifrance.
Confié à Bernard Joubert par Annette Bielec (veuve de Georges, mort en 1993), ce fonds de 10.000 pockets (4.300 pockets édités en français, 2.000 micro-tirages prioritairement destinés à la censure, 4.000 titres de l’édition italienne non traduits en français) est particulièrement remarquable parce qu’il contient également toutes les archives administratives de la maison d’édition: de la comptabilité au  courrier des lecteurs.
À l’origine de l’aventure d’Elvifrance (1970-1992), une maison d’édition italienne, Edizioni Erregi, fondée dans les années 60 par Renzo Barbieri et Giorgio Cavedon. Spécialisée dans les ”fumetti neri”, ce genre populaire et méprisé de bandes dessinées, Erregi édite des petits formats d’horreur, d’humour, de science-fiction ou policier. Peu à peu, les récits vont se pimenter d’érotisme, pour devenir dans les années 80 totalement pornographiques. Après s’être associée brièvement à Max Canal, Erregi va confier à Georges Bielec, en 1970, la traduction et  l’édition en version française de ses ”fumetti neri”. S’il y a eu des éditions  en Allemagne et aux Pays- Bas, c’est en France que l’exportation du genre italien va connaître une véritable réussite. À certains moments, les ventes en France dépasseront celles réalisées en Italie. La production était énorme: un tirage par jour ouvrable, soit 20 titres par mois, tirés jusqu’à  80.000 exemplaires à la meilleure époque, à 40.000 exemplaires sur la fin, en 1992.
Ne bénéficiant pas de la tolérance de la législation italienne, 700 titres seront interdits à des degrés divers (vente aux mineurs, exposition chez les marchands de journaux, publicité), par la censure et les différents ministres de l’Intérieur. En 1973, par exemples, 8 titres - Vénus de Rome, Lucifera, Goldboy,  Jacula, Jungla, Lucrèce, Isabella, Sam Bot -,  sont interdits par la Commission de surveillance, sous couvert de la loi de 1949 sur la protection de la jeunesse. Comme Jean-Jacques Pauvert, Georges Bielec fera face aux interdictions. Ce n’est pas la censure qui causera la disparition d’Elvifrance en 1992, même si elle y a beaucoup contribué. C’est l’arrivée et le développement de la vidéo pornographique qui lui donneront le coup de grâce.
La réévaluation du fonds Elvifrance ne fait certainement que commencer. Inévitablement, il va faire l’objet d’études, d’expositions. Signe de cette évolution, Sam Bot, titre interdit aux mineurs et d'exposition en 1973, vient d’être réédité chez Delcourt.

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